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1.1. La donnée géographique souveraine : esquisse de définition

1.1.1. La donnée géographique

On retiendra, dans les développements qui suivent, une définition large de la donnée géographique comme étant, d’une part, une donnée de description physique du territoire dans ses aspects naturels (chaîne de montagne) et artificiels (agglomération), visibles (cours d’eau) et invisibles (réseau enterré) et, d’autre part, une donnée positionnée par rapport au territoire ou « géolocalisée » (informations statistiques produites par l’inventaire forestier). Comme il est possible de géolocaliser à peu près n’importe quelle donnée, on se bornera à évoquer ici les données dont l’intérêt et l’usage dépendent directement de leur géolocalisation (zonage réglementaire, parcellaire dont dépend l’application de la loi fiscale ou le versement d’aides publiques…).

Cette définition se double d’une distinction, liée au producteur de la donnée, entre les données « socle » et les données « métier ». Les premières désignent en général des données de base, des « fonds de carte » produits par un opérateur dont c’est la mission principale, et au premier rang desquels on trouve l’IGN. Les données « métier » sont, quant à elles, le plus souvent produites à titre secondaire, pour les besoins d’une mission (d’un « métier »), par un opérateur dont ce n’est pas la spécialité. La couche orthophotographique du référentiel à grande échelle de l’IGN est une donnée socle. La zone nationale d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) dessinée par une DREAL est une donnée métier.

Enfin, les données géographiques peuvent être distinguées selon qu’elles décrivent un phénomène statique (massif) ou dynamique (flux de trafic routier ou débit de cours d’eau en temps réel).

Ces définitions élémentaires – que les experts en géomatique pourront même trouver rudimentaires – suffisent à embrasser et à caractériser la réalité des données géographiques intervenant dans la prise de décision publique.

1.1.2. La donnée souveraine : indépendance et autorité

Aux termes de la lettre de mission du Premier ministre, la souveraineté d’une donnée géographique1 se définit donc par sa destination ou par son usage, qui est de servir de support direct aux décisions de la puissance publique. Une donnée n’est donc souveraine que si sa disponibilité conditionne la possibilité même de la décision publique, c’est-à-dire qu’elle présente pour la puissance publique une véritable criticité.

Ensuite, et sauf à se priver de la possibilité de constituer des fonds géographiques riches et de créer des synergies au sein de la sphère publique, la puissance publique ne saurait, dans le cadre de cette définition, se limiter à l’Etat et désigne l’ensemble plus vaste formé par l’Etat, les établissements publics, les collectivités territoriales et certaines personnes privées chargées d’une mission de service public. Ce champ est mutatis mutandis le même que celui que retiennent le code de l’environnement pour définir l’autorité publique au sens de la directive « Inspire » (art. L. 127-1 et L. 124-3) et le code des relations entre le public et l’administration pour définir l’information publique (art. L. 321-1 et L. 300-2). Partant, les données souveraines n’interviennent pas seulement dans l’exercice par l’Etat de ses missions « régaliennes », mais concernent également, par exemple, la contribution à la fourniture de services publics ou aux activités de régulation.

Enfin, et dès lors que l’action de l’administration consiste à prendre, dans l’intérêt général, des décisions qui s’imposent aux citoyens2 et qui sont, le cas échéant, susceptibles d’engager sa responsabilité, la donnée sur laquelle repose cette action doit présenter des garanties d’indépendance et faire autorité3.


Indépendance

En 1999 déjà, le rapport Lengagne sur les Perspectives d’évolution de l’information géographique et les conséquences pour l’IGN relevait que l’émergence de producteurs privés de données géographiques posait la question de la légitimité d’une intervention publique dans ce domaine. Le premier argument qui plaidait, aux termes de ce rapport, pour le maintien d’une telle intervention tenait à ce que l’information relative au territoire est un outil de la décision publique, et que « la dépendance informationnelle serait le premier pas vers la dépendance économique et politique »4.

Si l’autorité publique ne doit dépendre de personne pour disposer de la donnée souveraine, elle doit, si ce n’est la produire en totalité, au moins maîtriser techniquement et continûment son processus de production, de l’acquisition de l’information de base jusqu’au stockage de la donnée, en passant par son élaboration, sa qualification5 et sa mise à disposition.


Autorité

La donnée géographique souveraine ne doit pas être imposée par voie d’autorité, mais faire autorité, dans une logique d’influence, par :

  1. sa qualité, laquelle dépend à son tour de son exhaustivité (l’information est disponible et homogène sur l’ensemble du territoire pertinent auquel s’applique la politique publique considérée), de sa fiabilité (l’information provient d’une source sûre et a fait, le cas échéant, l’objet d’une authentification6), de sa précision (géométrique ou sémantique) et de sa fraîcheur ;
  2. son caractère documenté : elle doit donc s’accompagner des informations descriptives – ou métadonnées – indispensables à l’utilisateur pour évaluer sa qualité. A titre d’exemple, pour le ministère des armées, la parfaite maîtrise des processus de production et de certification de l’information géographique militaire permet à la France de s’imposer comme un référent géographique aux nations alliées et de légitimer sa capacité à intervenir en coalition. Un outil pour assurer l’interopérabilité entre les nations alliées est la normalisation de l’information géographique. La représentation du ministère des armées assurée par l’IGN depuis 2002 au sein des instances de normalisation civiles et militaires internationales permet à la France de préserver ses intérêts.

Enfin, compte tenu de la multiplicité des acteurs qui interviennent dans la production de données géographiques souveraines, les gains d’efficience que susciterait une meilleure coordination entre eux supposent que ces données soient interopérables (cf. partie 2).


Au total, cette définition n’emporte que deux contraintes substantielles pour les autorités publiques : celle de ne pas se mettre entièrement dans la main d’une entité tierce pour disposer de données critiques et celle de ne pas fonder ses décisions sur des données dont elle ne maîtriserait pas la qualification.

Le caractère souverain de la donnée ne fait donc pas obstacle à ce que la puissance publique acquière et utilise, pour ses besoins propres, des données produites par le secteur privé, soit dans le cadre d’une relation commerciale traditionnelle, soit en instituant des obligations de communication de données produites par des opérateurs dans le cadre de leur mission7.

Il ne fait pas davantage obstacle à ce que certains référentiels soient, à l’instar de la base adresse nationale (BAN8), constitués et entretenus en lien avec des partenaires privés, selon une logique de « commun numérique », ni à ce que certaines données fassent l’objet d’une élaboration collaborative (crowdsourcing ou, en français, « myriadisation »). Certes, les exigences de fiabilité qui s’attachent à ce type de données impliqueront parfois que les contributeurs susceptibles d’intervenir directement sur leur contenu soient sélectionnés et identifiés comme des « tiers de confiance9 » (community sourcing). Cela ne devrait toutefois pas empêcher que l’ensemble des usagers puisse signaler d’éventuelles erreurs ou suggérer des modifications. Dans le domaine de la prévention du risque d’inondation par exemple, le site www.reperedecrues.developpement-durable.gouv.fr offre une application interactive qui permet de consulter la base de données nationale des repères et traces géolocalisés laissés par une crue. Cette base peut être enrichie par des experts, mais également par le public en fournissant une photographie géolocalisée accompagnée d’un commentaire. Ces témoignages sont analysés par un service expert et sont portés sur la base s’ils sont jugés fiables. La BD Topo de l’IGN est également produite de façon collaborative et intègre notamment les contributions des communes.

Au total, la compatibilité de l’élaboration collaborative avec les exigences propres à une donnée souveraine devra donc faire l’objet d’une analyse au cas par cas et, en toute hypothèse, les exigences de qualification pourront être modulées en fonction des sources mobilisées. Plus la donnée sera mobilisée au service de missions régaliennes, qui constituent le « cœur » de la souveraineté, plus les possibilités d’élaboration par myriadisation seront restreintes10.